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 La République des idées

Réinventer la démocratie

 

Forum à la Maison de la culture de Grenoble les 8,9 et 10 mai 2009

A l’occasion de ce forum qui a réuni près de cent chercheurs, journalistes, intellectuels, hommes politiques et responsables associatifs, Le Monde a publié un passionnant Cahier N° 19987 daté du 29 avril 2009 avec, notamment, les contributions de Pierre Rosanvallon, Patrice Flichy, Thomas Piketty, Chirin Ebady et Claude Lefort.

De ces contributions, j’en ai retenu trois.

Tout d’abord celle de Pierre Rosanvallon, Professeur au Collège de France,  qui pose l’évolution de la démocratie comme une nouvelle approche du lien social et définit trois dimensions essentielles : « l’extension des procédures et des institutions au-delà du système électoral majoritaire ; l’appréhension de la démocratie comme une forme sociale ; le développement d’une théorie de la démocratie monde ».

Ensuite celle de Patrice Flichy, Professeur de Sociologie à l’Université Paris-Est,  sur le rôle de la toile dans le débat démocratique. »Internet joue un rôle majeur dans notre vie démocratique. Il s’agit d’un espace où, à côté des grands médias, chacun peut produire de l’information. De nombreuses opinions s’y manifestent qui n’ont trouvé à s’exprimer dans les médias classiques ».

Mais «  Internet n’est pas seulement un nouveau média (…) c’est aussi un outil électoral (…) amplement utilisé dans les dernières campagnes électorales ».

« Ces usages d’internet en font un nouvel outil d’expression, de mobilisation et de dénonciation, mais cela suffit-il pour en faire un instrument du débat démocratique ?».

Et Patrice Flichy de conclure, en faisant le constat que la toile est surtout une juxtaposition d’expression et d’intérêts individuels que «  la démocratie politique ne fonctionne pas de cette façon, elle est le résultat d’un débat, d’une délibération. Or pour pouvoir être menée en ligne, la délibération nécessite des procédures rigoureuses qui sont loin d’exister sur tous les sites. Faute de ces règles, le débat démocratique n’est qu’une suite de monologues. En définitive, Internet n’a pas créé un nouvel espace public de débat démocratique. C’est un nouvel outil d’information et de mobilisation ».

Enfin Chirin Ebadi, Avocate Iranienne et Prix Nobel de la Paix 20003, pose d’abord comme postulat que «  le cadre démocratique ne consiste en rien d’autre que le respect des règles qui protègent les droits de l’homme (…) la légitimité d’un gouvernement n’émane pas seulement du suffrage universel mais aussi du respect du droit et des libertés de tous les citoyens sans distinction de race, de s exe, de religion, d’opinion politique, etc ». Et de rappeler « le combat pour la démocratie est un combat qui nécessite beaucoup d’investissements, tant culturels que socio-économiques ».

Il est indispensable, dans cette période de crise, de repenser aussi les fondamentaux de nos démocraties autour de quatre dimensions clés :

-         La démocratie comme lien social,

-         La démocratie monde comme réponse à la mondialisation,

-         La délibération et son organisation,

-         La démocratie se nourrit culturellement et socio-économiquement.

Ces questions n’ont rien d’abstraites et les déstabilisations graves engendrées par la crise financière, économique et sociale mondiale ne peuvent qu’affaiblir et décrédibiliser nos modèles démocratiques si nous n’en repensons pas les fondements, les responsabilités et leur contrôle.

Le fonctionnement actuel du débat politique principalement dominé par la recherche de l’impact médiatique au détriment du débat de fond ; la faiblesse des structures organisées et anticipatives pour la délibération de la démocratie sociale ; le développement de la toile, faux semblant de débat démocratique ; enfin, l’inégalité persistante dans le partage des savoirs, de la connaissance et de la culture ne peuvent que participer à l’affaiblissement de nos valeurs démocratiques.

La démocratie est un corps vivant qui doit se réinventer, s’organiser et se redéfinir en permanence, c’est un choix de société qui doit être en permanence légitimé ou re-légitimé et dont les limites ou les échecs nourrissent la défiance des citoyens.

Churchill avait écrit que la démocratie était « le pire des régimes, à l’exception de tous les autres » ; il rappelait simplement le principe de son imperfection, donc de sa perfectibilité.


Thibault Ponroy