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 Un regard critique à méditer avant le premier tour des élections présidentielle de 2012

La campagne actuelle est l’occasion idéale pour mesurer l’étonnante distorsion qui caractérise toujours en France, à la différence des pays voisins et des Etats-Unis, la perception dominante de la gauche et de la droite dans le débat public. Tout se passe comme si une position de gauche était chez nous a priori légitime,  une de droite, a priori suspecte. Sauf preuve du contraire, sans doute, car nous sommes en démocratie pluraliste, mais la charge de la preuve repose sur la droite. Posture naturelle de la gauche qui s’assimile au camp du « bien moral » et du « juste social », mais qui infiltre nombre de discours politiques et médiatiques, y compris… à droite. Et, paradoxalement ce différentiel de légitimité se donne avec une telle évidence, qu’il échappe à notre vigilance critique.
 

Les procédés rhétoriques à l’œuvre dans cette asymétrie sont pourtant bien connus : la dénégation pure et simple, la minimisation ( « ce que vous dites est de peu d’importance »), la marginalisation (« ce n’est pas le vrai sujet »), l’accusation (« vous cachez de noirs desseins »), la disqualification (« vu qui vous êtes, votre parole n’est pas recevable ») et la péjoration (reformulation  en termes négatifs) de la position ou de l’argument adverse : Voici quelques fleurons de ce petit manuel d’asymétrie, tous bien réels, où le lecteur reconnaîtra sans peine les uns et les autres…
 

1. « Les amis riches »

a. Un homme politique de droite a des amis riches : « preuve de sa collusion avec l’argent ! »
b. Un homme politique de gauche a des amis riches : « oui, c’est un homme fidèle en amitié » ; Variante : « il a droit au respect de sa vie privée ! »

 
2. Les affaires

a. Un homme politique de droite est soupçonné de financement illicite de campagne électorale : « aucun doute : la corruption est au coeur du régime ! »
b. Un homme politique de gauche est mis en examen pour association de malfaiteurs : « il faut respecter la présomption d’innocence ! » Variante : « c’est un cas isolé, ne généralisons pas ! »

 
3. Changements de camp

a. Un homme politique de gauche passe à droite : « c’est un traître » ! Variante douce: « le carriérisme l’a emporté sur la conviction »
b. Un homme politique de droite passe à gauche : « il a su surmonter son conditionnement familial et social »
 

4. Changements de politique


a. Un président de droite change de politique : « incohérence et contradiction ! »
b. Un président de gauche change de politique : « sens des responsabilités et pragmatisme»
 

5. Dictateurs encombrants

a. Un responsable de droite reçoit un dictateur : « c’est une honte pour la patrie des droits de l’homme ! »
b. Un responsable de gauche reçoit un dictateur : « hélas, on ne choisit pas ses partenaires en  politique internationale »
 

6. Chiffres du chômage


a. Le chômage augmente de 17% sous une législature de droite : « explosion qui démontre un bilan désastreux »
b. Le chômage augmente de 50% sous une législature de gauche : « augmentation qui montre combien la crise est terrible. Et pourtant on aura tout essayé ! »


7. Ouverture


a. Un président de droite ouvre son gouvernement : «  politique de débauchage ! »
b. Un président de gauche ouvre son gouvernement : « absence de sectarisme et volonté de rassemblement ! »

 
8. Fondamentalisme

a. Un gouvernement de droite prend des mesures énergiques contre des réseaux fondamentalistes : « instrumentalisation, amalgame et atteintes aux libertés»
b. Un gouvernement de gauche prend des mesures énergiques contre des réseaux fondamentalistes : « on voit bien que la gauche n’est pas laxiste ! »

 
9. Les extrêmes et l’économie

a. Un candidat d’extrême droite présente un programme économique surréaliste : celui-ci est passé au crible par les commentateurs – le candidat passe de bien mauvais quart d’heures d’interview ! Et l’on dénonce unanimement –et justement- « le danger qu’il fait courir au pays »
b. Un candidat d’extrême gauche présente un programme économique tout aussi surréaliste : les commentateurs passent rapidement dessus : « ce n’est pas le sujet, le sens de ce programme est d’abord politique ! »
 

10. Les extrêmes et le peuple

a. L’extrême gauche propose la « révolte du peuple contre le système» : « il faut prendre ces mots au figuré : ils expriment la légitime colère devant l’injustice sociale »
b. L’extrême droite propose « la révolte du peuple contre le système » : « il faut prendre ces mots au sérieux ; ils traduisent un populisme nauséabond et une menace contre la république! »
 


 Est-il vraiment impensable de demander, à l’égard de tous, non pas de la complaisance, mais tout simplement un peu d’équité intellectuelle?
 

Le libéralisme est bien placé pour l’exiger car il est la première victime de cette asymétrie bien particulière du discours politique en France, à commencer par son classement à droite, et l’épithète d’ « ultra » systématiquement accolée, qui fleure bon son Charles X et le « milliard des émigrés »… Et qui ne correspond ni à son positionnement idéologique ni à ses combats historiques, où, de 1789 à la lutte contre tous les totalitarismes et les autoritarismes, il aura été l’un des plus sûrs ressorts du progressisme politique, social et sociétal. Fait masqué par l’antilibéralisme viscéral de notre culture politique où héritages monarchiste, « républicain » (de l’an II !) et marxiste se mêlent dans un cocktail détonnant (mais toujours étatiste et liberticide) qui n’étonnera pas les connaisseurs de l’histoire des idées, ce monde peuplé des créatures les plus étranges et les plus composites…

 
Cet article a été rédigé par Christophe de Voogd
  <http://www.trop-libre.fr/>

 Discours de jean Castelain Bâtonnier de L’Ordre des avocats du barreau de Paris au Mémorial de la Shoah.

Le 3 octobre 2011, le Bâtonnier Jean Castelain a prononce un discours historique que je vous invite à découvrir. Sobre, émouvant et sans équivoque, il évoque la “faute” commis par l’Ordre à l’encontre de ses confrères juifs à l’époque de la seconde guerre mondiale.
A ne pas manquer.


David Nitlich
 

 A propos de Florence Cassez

Il m'est apparu intéressant de publier sur notre site l'article consacré par Dominique de Courcelles à l'affaire Florence Cassez.

Cet article repositionne cette affaire dans ses justes proportions et enjeux, notamment l'impact d'une politique, basée sur la gestion de l'émotionnelle, sur la diplomatie et la justice.

Je comprends l'émotion d'une famille confrontée à l'emprisonnement de l'un des siens mais regrette l'absence de recul dans la gestion de l'évènement et son impact négatif sur la détérioration des relations avec un pays néanmoins ami.

En outre la publicité donnée à cette affaire est nuisible à sa résolution.

On aurait aimé la même rigueur dans la gestion des relations diplomatiques avec certaines dictatures, notamment dans les pays du Moyen-Orient.

Thibault Ponroy

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Au cours de l'année 2010, les citoyens français, toutes tendances politiques confondues, se sont trouvés gravement troublés par l'affaire Bettencourt-Woerth, si rapidement étouffée par de fausses neutralités. Ils ont découvert avec effarement l'ampleur des conflits d'intérêts et des trafics d'influences, des profits éhontés: ils doutent désormais de la justice et du droit. Depuis le 14 janvier 2011 et la révolution du jasmin en Tunisie, suivie par les violents bouleversements de l'Egypte, ils sont plus que jamais en proie à la perplexité et à l'inquiétude. La presse française a largement relaté les silences de certains ministres, les paroles malencontreuses d'autres, et d'une façon générale les ententes équivoques et vénales ainsi que les erreurs magistrales en politique étrangère. Dans ce contexte de perte des repères et des valeurs les plus fondamentales de l'éthique et de la vie politique, économique et sociale, ce que l'on peut dénommer «l'affaire Cassez» semble survenir à point nommé.

On observe d'abord un curieux dispositif iconographique, bien rodé depuis l'interview en direct de la prisonnière au 20h de TF1, le 03 février 2010 (voir ici); ce qui tend à montrer à la fois l'attention attachée par l'Ambassade de France à la prisonnière et la bonne volonté des autorités mexicaines de la prison de Tepepan, où elle se trouve incarcérée. Ce dispositif est relayé en France par la presse, en particulier féminine, surtout à partir de 2008.

Ce qui est donné à voir en effet, de façon récurrente, c'est l'image d'un visage de femme, derrière des barreaux. Pourquoi derrière des barreaux, alors que l'on sait qu'elle reçoit les visiteurs et donc les photographes dans l'immense parloir décrépit de la prison de Tepepan ? Considérons plus particulièrement la suggestive image datée du 14 février 2011 pour Le Monde.fr (voir ici) et que l'on retrouve un peu partout dans les presses nationale et mexicaine. Rappelant clairement les constructions de personnages dans la presse people ou au cinéma, Florence Cassez a, derrière ces barreaux, un visage très subtilement et professionnellement maquillé, avec des pommettes légèrement blushées, des cernes légèrement marquées; ses yeux clairs rehaussés de mascara noir et ses très longs cils noirs laissent à peine imaginer des larmes retenues, en raison du caractère lisse de l'ensemble; elle n'exprime d'ailleurs aucune émotion; le seul barreau horizontal qui figure sur l'image n'empêche pas de découvrir et valorise même la lèvre inférieure, enduite d'un brillant rosé, dont les contours sont soulignés d'un trait de crayon rose soutenu; les barreaux verticaux, judicieusement placés, ne cachent aucun des traits.

On sait que l'extrême diffusion de la retouche dans la presse people est liée à l'importance que le personnage et son image revêtent pour imposer un message précis. Dans la ligne de l'analyse des mécanismes de narration visuelle, on peut dire que l'image souscrit ici au goût prononcé des photographes soucieux de vendre de l'émotion et du glamour. Mais cette confusion visuelle a d'évidentes conséquences sur la lecture. La femme paraît fragile et courageuse, blessée et dans l'attente. Et l'on sait bien le rôle des images et leur positionnement dans la société qui les produit. Or ici, c'est dans le contexte de perte des repères et des valeurs de l'éthique concernant le monde politique, dans le contexte d'abus commis par les plus forts sur les plus faibles, que se découvre en France l'image de Florence Cassez prisonnière. Cette image magnifiée par cette mise en scène et par son unicité est une véritable image écran, forte et opaque, qui heurte et retient la vue, en contrepoint du déferlement d'images que nous subissons quotidiennement et que nous oublions sans les avoir vues.

Or, de qui s'agit-il? Qui est Florence Cassez? Plusieurs faits qui figurent dans le dossier de justice de Florence Cassez ne sont en général pas évoqués, tout simplement parce que ses avocats défendent son «innocence» sur la base des irrégularités commises pendant son procès, et ces irrégularités sont nombreuses. De ce dossier le quotidien mexicain Reforma, qui est l'équivalent du journal Le Mondeau Mexique, a donné les principaux éléments depuis le 11 février dernier. Les voici: le 8 décembre 2005, alors que Vicente Fox est président de la République mexicaine, Florence Cassez est arrêtée dans le rancho Las Chinitas, à Topilejo, dans la Délégation de Tlalpan de la ville de México, où elle vit depuis au moins trois mois comme compagne d'Israel Vallarta, chef de la bande los Zodiaco, spécialiste en enlèvements et séquestres de personnes; la police qui l'arrête découvre dans le rancho trois personnes séquestrées, une femme et son enfant de dix ans, séquestrés depuis 50 jours, et un homme, séquestré depuis 65 jours, dont les noms sont connus et indiqués par le quotidien Reforma. Ils se seraient donc trouvés, au moins temporairement, en même temps que la Française dans le même lieu.

Ce rancho est loin d'être immense, puisqu'il a 40m de façade sur une profondeur de 120m: il comporte deux maisons, une maison principale et une maison qui est une maison de service «cuarto de servicio» avec une seule pièce. De la maison principale au «cuarto de servicio» il y a 65m de distance. Le «cuarto de servicio» est à 10m de la porte principale et, pour accéder à la maison principale ou en sortir, on passe nécessairement devant. Tout cela permet de penser qu'il a été difficile à Florence Cassez d'ignorer la présence des trois prisonniers là où elle vivait. Travaillant dans un hôtel, Cassez gagne alors de 6000 à 8000 pesos par mois. Or au moment de son arrestation, il existe une fiche de dépôt à son compte à la banque Banamex d'un montant de 50 000 pesos.

Une fois arrêtée, Cassez ne cesse de clamer son «innocence». Mais qu'est-ce que cette «innocence»? De quoi est-elle innocente? S'il est probable que Cassez n'a pas elle-même directement procédé aux enlèvements des personnes séquestrées, il est également probable, en raison des témoignages donnés par les personnes séquestrées, y compris par l'enfant de dix ans, qu'elle a été la complice du recel de ces personnes et, en tout cas, peut-être coupable de non assistance à personne en danger (même si cette qualification n'existe pas dans le droit mexicain). Selon ces témoignages, elle apportait de la nourriture aux séquestrés qui, n'ayant jamais vu son visage, ont cependant entendu sa voix et reconnu qu'elle avait un accent étranger; Certains ont évoqué sa brutalité. Plus tard, dans les confrontations, ils ont déclaré reconnaître sa voix, ses mains et ses cheveux. Le mot «innocence» vient du latin nocere, nuire. L'innocent est celui qui ne nuit pas; c'est un qualificatif positif et non passif. Cassez, étant libre de ses mouvements, aurait pu sans risque pour sa vie, en tant que Française, dénoncer les séquestreurs et mettre fin à leur «nuisance» et donc à la sienne, sous la protection de l'Ambassade de France. Nul doute que son «innocence» lui aurait alors valu d'être considérée comme une «héroïne». 

Il est pratiquement impossible en France d'imaginer à quel point la société mexicaine peut être traumatisée et terrorisée par la pratique, gravement développée depuis une dizaine d'années, des «secuestros». En sont victimes toutes les classes sociales, des plus aisées aux plus simples. Les enlèvements et séquestres sont effectués dans la plus grande violence; les prisonniers sont souvent mutilés, torturés, abusés, mis à mort, même si leurs proches font tout ce qu'ils peuvent pour réunir les sommes, souvent exorbitantes, qui leur sont réclamées. S'ils sont libérés, ils n'osent plus retourner chez eux, quittent généralement la ville où ils habitaient, perdent leurs métiers, abandonnent et sont abandonnés de leur entourage lui-même terrorisé; rarement, ils osent témoigner ultérieurement de ce qu'ils ont souffert, tant ils demeurent prostrés dans la crainte de représailles; il est connu que leurs déclarations manquent souvent de cohérence, voire se contredisent. Les chantages sont également très fréquents et tout aussi terribles. Parfois, des policiers ont pu participer aux «secuestros», ce qui a contribué à la perte de confiance des citoyens dans leur police et dans leur justice. Dans certains quartiers de la ville de Mexico, la tension est particulièrement grande, par exemple dans la Central de Abasto, le grand marché d'approvisionnement de la ville de Mexico, où les enlèvements sont particulièrement nombreux. Je me rappelle avoir assisté aux marches de protestation d'associations de la société civile, avoir vu et entendu un chauffeur de taxi sangloter lors de la mort du jeune Alejandro Marti, âgé de quatorze ans, enlevé puis tué dans des conditions atroces.

C'est précisément dans ce contexte d'émotion et de peur, de désespérance de la justice et de la police que, de façon évidemment inacceptable et contraire aux règles les plus élémentaires de l'éthique audiovisuelle, Televisa, la grande chaîne de télévision nationale, s'est emparé de ce fait de délinquance, le transformant en «affaire Cassez». Ainsi a été mis en scène, dès le 9 décembre 2005, soit le lendemain même de l'arrestation de Cassez dans le rancho, avec la complicité ou à la demande de la police mexicaine, un spectacle destiné à une grande audience, un montage vidéo, un de ces reality show qu'affectionne particulièrement Televisa, semblable en cela à de nombreuses chaînes télévisées du monde actuel. Car, dans ce cas, il s'agissait de l'arrestation d'une femme, jeune, étrangère et française.

C'est ainsi que, d'emblée, Cassez a été transformée en image télégénique. La chaîne voulait-elle faire un scoop? La police voulait-elle prouver son efficacité? Les cinq arguments de la défense et du pourvoi en cassation par les avocats de Cassez portent sur ces faits pour réclamer son absolution totale et son renvoi en France. Mais comment et pourquoi privilégier la forme, le montage vidéo, et non le fond pour décider entre l'innocence et la culpabilité? Il est vrai qu'après la découverte du montage video le procès a encore donné lieu à quelques montages, tout aussi scandaleux, et la pratique mexicaine de garder secrets les dossiers de justice ne facilite pas la compréhension ni le discernement. L'énormité de la peine, 96 ans puis 60 ans de prison, décrétée à l'encontre de Cassez, s'inscrit donc dans cette logique dramatique.

Contre le fléau épouvantable des enlèvements et séquestres, la société civile a été amenée à s'organiser. Au cours des dernières années, plusieurs ONG ont vu le jour afin d'aider les victimes de séquestres et contribuer à la protection des citoyens, comme Alto al Secuestro, la Asociación Nacional de Consejos de Participación CívicaMéxico S.O.S., Causa en Común. Elles constituent bien le reflet de la société civile mexicaine qui, dans son immense majorité et en dépit du manque de transparence du système judiciaire mexicain, ne met pas en doute les responsabilités de Cassez.

Je suis donc étonnée de lire dans les journaux français que le cas Cassez divise l'opinion mexicaine (L'Express, 14/02/2011). Je suis encore plus étonnée d'apprendre dans le même quotidien «les positions très tranchées de l'Eglise Catholique mexicaine»; il est notable que seul le cardinal archevêque de Mexico, Norberto Ribera, peut émettre, lui-même ou son porte parole, un avis qui engage l'Eglise catholique mexicaine: il ne s'est évidemment pas prononcé en faveur de Cassez, ce qui aurait provoqué un scandale considérable-en l'occurrence, le prêtre Pedro Arellano cité, n'est en rien «le représentant de l'Eglise mexicaine». La Commission pastorale pénitentiaire, également citée, a seulement évoqué les vices de forme qui ont marqué le cas Cassez; cela n'a rien à voir avec une déclaration d'«innocence».

Par ailleurs, si le célèbre juriste Ignacio Morales Lechuga estime que le droit pénal n'a pas été respecté et que les kidnappeurs sont toujours en liberté, cela ne signifie pas pour autant que Cassez ne soit pas complice ou coupable de non assistance à personne en danger. Depuis des mois, il est de notoriété publique que l'Ambassade de France à Mexico s'efforce d'obtenir son rapatriement, réclamé dès mars 2009 par le Président Sarkozy alors en visite à Mexico; l'insistance du Président français n'a pas manqué de susciter des réserves non seulement des Mexicains mais également de nombreux Français travaillant dans le pays. En juin 2009, le Président Calderon a déclaré que Cassez accomplira sa peine au Mexique.

En attendant la décision sur le pourvoi en cassation prévue pour février 2011, l'image glamour de Cassez est apparue régulièrement dans la presse people ou non, devenant de plus en plus glamour et retenant la vue, à mesure que l'image du Mexique se diabolisait dans les médias en raison des problèmes gravissimes du narcotrafic et de l'insécurité grandissante, largement relayés par la presse française et internationale. Il est étonnant de remarquer que les images diffusées de Cassez, aussi bien dans les médias français, ce qui est compréhensible, que dans les médias mexicains, ce qui l'est moins, sont toujours les mêmes et participent toujours de cette même construction d'image de femme courageuse, fragile et blessée d, comme s'il y avait un monopole exercé sur cette image: mais par qui exactement? Par des photographes qui travailleraient pour l'Ambassade de France habilitée à visiter la prisonnière? Quel est le rôle exact de l'Ambassadeur? Quelle impulsion pourrait venir des plus hautes instances de l'Etat français? Ce ne sont là que quelques questions, parmi d'autres, que se posent bon nombre de Français présents à Mexico-et également des Mexicains.

Il est donc compréhensible que les associations de la société civile mexicaine mentionnées plus haut aient été et soient particulièrement vigilantes à l'égard de la Française. Elles s'indignent que «Florence Cassez Crespin cherche à passer pour une victime et à être extradée dans son pays d'origine au lieu d'accomplir la peine qu'elle mérite dans notre pays... Les véritables victimes sont celles qui ont subi un séquestre...» (Reforma, jeudi 10 février 2011) et elles s'inquiètent de ce qu'elles qualifient de «pressions diplomatiques». Le 10 février 2011, l'Ambassade n'a pas hésité à accuser les ONGs de faire pression sur le pouvoir judiciaire mexicain.

On peut évidemment s'interroger sur le bien-fondé de cette accusation, dans la mesure où les ONG, en tant qu'organisations de la société civile et expression de lasoft law, doivent être parfaitement libres d'émettre un communiqué commun destiné aux instances de leur pays, quitte à ce que ces dernières en tiennent compte ou non. En tant qu'administratrice de la section française de l'ONG Transparence International, spécialisée  dans la lutte contre la corruption, je sais bien toute la valeur et la difficulté de ces communiqués; mais cette action de plaidoyer en faveur des victimes ressortit à la démocratie. C'est alors que, ce même 10 février, la justice mexicaine a rejeté le pourvoi en cassation de la Française. C'est la fin de la procédure judiciaire au Mexique.

Comme nous l'avons évoqué plus haut, en ce début d'année 2011, l'opinion française est particulièrement émue par ce qu'elle ressent comme une perte des repères et des valeurs de l'éthique, surtout en matière de politique étrangère, dans certains milieux politiques et économiques. De hauts représentants de l'Etat se trouvent nommément mis en cause. Le sauvetage de l'image glamour, fragile et blessée de la condamnée relayée dans les médias français -et de belle dame sans merci, dans les médias mexicains-, offre alors à ceux/celles qui sont les plus critiqués à l'occasion des événements récents de Tunisie ou d'Egypte une opportunité de «blanchiment d'image» ou de rebondissement brillant de carrière. Dès lors, l'affaire Cassez, qui aurait pu être réglée normalement et sereinement par un accord juridique entre la France et le Mexique et sans doute aboutir à ce que Florence Cassez purge sa peine en France, détériore les relations entre les deux pays.

Il convient de rappeler ici une histoire ancienne qui a durablement marqué les Mexicains et que les Français ont peut-être oubliée; en tout cas elle ne se trouve pas dans les livres d'histoire, et c'est sans doute aussi bien, parce qu'elle serait peu édifiante pour les écoliers français. Voici de quoi il s'agit. En 1837, dans le contexte de la fin de la guerre d'indépendance avec l'Espagne et du début de la main mise sur les territoires du nord par les Etats Unis d'Amérique, le Mexique est en proie au chaos. Les gouvernements successifs sont dans l'impossibilité d'indemniser les habitants, citoyens mexicains ou étrangers installés dans le pays, qui sont victimes des destructions et des pillages; mais, dès 1827, ils ont pris soin d'indiquer qu'en raison des troubles ils ne pourraient pas verser d'indemnités mais qu'en contrepartie ils n'exigeraient aucune contribution forcée des étrangers, en particuliers français, et qu'ils les laisseraient librement commercer. C'est alors qu'un pâtissier français, installé à Tacubaya, prétend qu'on lui a dérobé pour 60 000 pesos de pâtisseries, soit 300 000 francs-or de l'époque ! et fait appel au gouvernement de Louis Philippe, alors roi des Français et en grandes difficultés politiques en France, pour l'aider à obtenir cette somme des Mexicains.

Il se trouve qu'à la même époque, un pirate français est pris et fusillé à Tampico. La France prend aussitôt fait et cause pour ses ressortissants et réclame au gouvernement mexicain 600 000 pesos de dédommagements, rien que cela ! Dès février 1838, une flotte française s'approche de Veracruz et s'emploie à bloquer tous les ports mexicains du Yucatan au Rio Grande. C'est la guerra de los pasteles, la «guerre des pâtisseries»: les Français s'emparent de la forteresse mexicaine de San Juan de Ulúa et entrent dans Veracruz le 4 décembre 1838. Antonio López de Santa Anna combat héroïquement contre les Français et, finalement, le 9 mars 1839, une puissante flotte anglaise met fin au blocus de Veracruz et oblige les Français à partir. C'est ainsi que les Mexicains ont la conviction que l'emportement pour la défense de causes douteuses a déjà existé dans la diplomatie française, pour des raisons qui ne sont pas forcément les raisons prétendument invoquées.

L'affaire Cassez qui aurait du rester un «fait d'ordre juridique», selon l'expression du grand écrivain Carlos Fuentes dans Reforma, est donc portée sur la scène diplomatique. On ne quitte décidément pas le registre du spectacle, de la mise en scène et de la construction/déconstruction d'image, au moment où sur la vaste scène culturelle française s'annonce et commence l'Année du Mexique avec tout un programme d'expositions, de projections de films, de conférences. La ministre des Affaires étrangères, qui a été particulièrement mise en cause à l'occasion de la révolution tunisienne, s'exprime longuement: avec mépris, elle évoque une«décision déplorable» de la justice mexicaine, n'hésite pas à dénier au Mexique la qualité d'«Etat de droit», assure que le gouvernement français «accompagnera» les«actions» de Cassez. Quelle chance pour les avocats de Cassez et de sa famille! Lorsque la ministre déclare, menaçante, que les relations bilatérales franco-mexicaines seront affectées, on ne peut s'empêcher de penser ici à la guerra de los pasteles, rappelée plus haut! Enfin elle promet qu'elle n'assistera à aucune manifestation de l'Année du Mexique. Il est intéressant d'observer que la secrétaire générale du Parti socialiste s'inscrit immédiatement dans la suite de la ministre UMP.

Il ne faut pas oublier que trois instances judiciaires du Mexique se sont prononcées successivement sur le cas de Cassez et les trois ont donné une sentence négative, en refusant de mélanger la forme et le fond. La dernière sentence en date du 10 février 2011, comme nous l'avons dit, est prononcée par le Séptimo Tribunal Colegiado Penal du District Fédéral, équivalent mexicain de la Cour de Cassation: les arguments de vices de formes avancés par la défense sont déclarés sans effets sur le jugement de culpabilité; des vices de forme, si nombreux soient-ils, ne sauraient influer sur le jugement de la responsabilité pénale d'un flagrant délit. Pourquoi, dans ces conditions, les politiques français mettraient-ils en doute l'indépendance des juges Carlos Hugo Luna Ramos, Manuel Bárcena Villanueva et Ricardo Ojeda Bohórquez? En mettant en doute cette indépendance, ils semblent considérer que l'indépendance des juges ne peut être confirmée que par une confusion de la forme et du fond, c'est-à-dire par une soumission à la mise en scène et à l'imaginaire. On est en plein paradoxe, car il est vrai également que les Mexicains n'aiment pas leur justice, ne croient pas en leur justice, éprouvent le sentiment tragique de la corruption, mais pourtant ils croient en la démocratie de leur pays, ils croient qu'il y a des contrepouvoirs en développement, «une démocratie d'en bas en fin de compte formidable», comme l'a affirmé le célèbre et lucide Carlos Monsiváis à Carmen Aristegui en 2009. Et cette démocratie est celle des petites communautés et associations de quartiers ou de villes, des associations de métiers, des ONGs, etc. (cf Transición : conversaciones y retratos de lo que se hizo y se dejó de hacer por la democracía en México, Ed. Grijalbo, p. 268).

Voici que Cassez déclare qu'elle a «peur d'une crise diplomatique» dans Le Mondedu 14 février et qu'elle «veut» que l'Année du Mexique ait lieu en France, ce que n'ont pas compris ses parents, qui ne voient dans leur fille que leur propre chair et non l'image qui s'est construite d'elle et n'hésitent pas à réclamer directement au président la suspension de l'Année du Mexique. Car pour l'image glamour-et elle est assez fine pour l'avoir parfaitement compris-, c'est bien cela le plus horrible: une crise du spectacle, la scène qui se dérobe et suscite sa désintégration. Car elle n'est bien qu'image, ou sinon une petite délinquante arrêtée en flagrant délit. Justement, l'Année du Mexique consiste en représentation et spectacle, parole et image, culture. Et que dit l'image Cassez, selon le quotidien mexicain La Jornada du 14 février: «Il faut que l'Année du Mexique en France soit utilisée pour parler de ma cause, qu'on y affiche des photographies de moi, qu'on discute de mon cas en chaque acte... Le pire serait qu'on m'oublie ».

L'image, toujours l'image. Cependant que le recteur de la UNAM (Université et institution majeure de la vie intellectuelle mexicaine), réclame une position plus ferme du gouvernement mexicain, voici que le Président français annonce le 14 février- jour de la Saint Valentin !-que l'Année du Mexique sera dédiée à Florence Cassez. Cette décision ne peut qu'être insupportable aux Mexicains.

Quelle tristesse! L'Année du Mexique en France sera donc «dédiée» à une condamnée par la justice mexicaine pour des faits graves! Mais c'est la condition pour que l'image glamour, écran qui accroche la vue, puisse faire profiter de son éclat les images de ses défenseurs en attendant d'être ses sauveurs, par sa mise en exergue sous les projecteurs, comme sur un autel dressé pour elle mais aussi pour eux. Elle sera l'objet de sermons pour la plus grande édification des citoyens et futurs électeurs français. Au pied de cet autel et sur la même scène, les «invités d'honneur» seront des artistes et des créateurs aussi magnifiques que Carlos Fuentes, Elena Poniatowska, Jorge Volpi, Rivelino.. sans oublier les merveilleux masques mayas de jade, les estampes de José Guadalupe Posasa, Tamayo, Frida Kahlo et Diego Rivera... Je ne saurais tous les énumérer ici. Oui, vraiment, quelle tristesse! Quel oubli et quel mépris de tous les liens forts et importants tressés entre la France et le Mexique, intellectuels, artistiques, politiques, économiques! comme l'a bien exprimé Elena Poniatowska.

Comme cela est prévisible, le 15 février, le gouvernement mexicain décide la suspension de tous les projets. Il n'y aura pas d'Année du Mexique en France:«Responde México a Francia: ¡Así no !» peut-on lire à la une du grand quotidienReforma. Si le même Reforma, le 16 février, souligne que les partis politiques mexicains, le PRI et le PRD, soutiennent la décision gouvernementale, il pose la question «A qui profite le cas ?». Carlos Fuentes est alors cité: «Le Président Sarkozy essaie de relever sa popularité qui est au plus bas», puis Le Monde«Le parti de Monsieur Calderón manipule le cas Cassez à des  fins électorales».

L'affaire Cassez pose une fois encore le problème de la transparence dans les démocraties. Si le montage video a porté atteinte à la crédibilité de la justice mexicaine, la mise en scène et l'utilisation de l'image de Cassez renvoient à d'autres dérives: pourquoi transformer un fait divers en affaire d'Etat? Pourquoi ne pas respecter une décision de justice, en dépit des conditions si particulières de cette décision? Est-ce qu'il existe encore une «diplomatie» qui ne soit pas seulement histoire d'images ?

Dominique de Courcelles

 " Lafontaine - un tout petit peu revisité..:

Lafontaine - un tout petit peu revisité..:
Un clin d'oeil en ces temps pas si joyeux : une reprise d'une fable de Lafontaine (les animaux malades de la peste).
En changeant quelques mots et tournures..:

 

Les humains malades de la crise
D’après La fontaine

Un mal qui répand la terreur,
Mal que la banque en sa fureur
Créa pour maîtriser l’argent de  la terre,
La crise (puisqu'il faut l'appeler par son nom),
Capable d'enrichir en un jour l'Achéron,
Faisait aux humains la guerre.
Tous n’étaient pas conscients, mais tous étaient frappés:
On n'en voyait point d'occupés
A chercher prêts économiques et retrouver vie;
Nul projet n'excitait l’envie,
Tous voulaient être rassurés
Et dans cet énorme désarroi;
Personne ne voulait expier:
Plus d'entraide, partant plus de joie.
Tous les dirigeants dirent: «Mes chers amis,
Je crois que le Ciel a permis
Pour nos péchés cette infortune;
Que le plus coupable de nous
Se sacrifie aux traits du céleste courroux;
Peut-être il obtiendra la guérison commune.
L'histoire nous apprend qu'en de tels accidents
On fait de pareils dévouements:
Ne nous flattons donc point, voyons sans indulgence
L'état de notre conscience
Moi, Dans mes envies de folle mondialisation,
J'ai croqué des petits patrons
Que m'avaient-ils fait? Nulle offense;
J’avais toute l’excuse de la course aux profits
A laquelle je me fie
Je me dévouerai donc, s'il le faut: mais je pense
Qu'il est bon que chacun s'accuse ainsi que moi:
Car on doit souhaiter, selon toute justice,
Que le plus coupable se bannisse.
- Sire, dit un financier, vous êtes trop bon roi;
Vos scrupules font voir trop de délicatesse.
Fusionner, générer des sommes en espèces
Est-ce un pêché? Non, non. Vous leur fîtes, Président,
Découvrir ce qu’est le vrai argent;
Ces petits patrons, l'on peut dire
Qu'ils étaient dignes de tous maux,
Etant de ces gens-là qui sur les tous rivaux
Se font un chimérique empire.»
Ainsi dit le financier; et flatteurs d'applaudir.
On n'osa trop approfondir
Tout acteur économique du petit aux pires
Les moins pardonnables offenses:
Tous les golden-boy, jusqu'aux plus simples traders,
Assurèrent qu’ils n’étaient que d’humbles serveurs.
Un petit employé dit: «J'ai souvenance
Qu’un petit prêt à 3 pour cent,
Pour parfaire un peu ma pitance,
Quelque diable aussi me poussant,
J’ai eu l’audace de rogner à la vraie dépense
De détourner quelques dizaines de centimes d’Euros.»
A ces mots on insulta le petit employé.
Un usurier, peu clerc, prouva par sa harangue
Qu'il fallait dire sa vérité à ce chacal,
Ce pelé, ce galeux, d'où venait tout le mal.
Sa peccadille fut jugée un cas pendable.
Détourner un prêt! Quel crime abominable!
Rien que la mort n'était capable
D'expier son forfait: on le lui fit bien voir.
Selon que vous serez puissant ou misérable,
Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir.

Jacques Mestre