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 17 janvier 2015, par Pascale Robert-Diard

Le texte mériterait d’être affiché, étudié, débattu dans toutes les écoles de France, aux côtés de la Déclaration des droits de l’homme et du ­citoyen de 1789. Une dizaine de ­pages, celles du jugement rendu le 22 mars 2007 par la 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris dans l’affaire des caricatures de Mahomet, constituent une magistrale leçon d’instruction civique.
Elles s’ouvrent sur ce rappel solennel : « Attendu qu’en France, ­société laïque et pluraliste, le respect de toutes les croyances va de pair avec la liberté de critiquer les religions quelles qu’elles soient et avec celle de représenter des sujets ou objets de vénération religieuse ; que le blasphème, qui outrage la divinité ou la religion, n’y est pas réprimé (…) ". Elles concluent : « Attendu que Charlie Hebdo est un journal satirique, contenant de nombreuses caricatures, que nul n’est obligé d’acheter ou de lire (…) ; que toute caricature s’analyse en un portrait qui s’affranchit du bon goût pour remplir une fonction parodique (…) ; que le genre littéraire de la caricature, bien que délibérément provocant, participe à ce titre à la liberté d’expression et de communication des pensées et des opinions (…) ; qu’ainsi, en dépit du caractère choquant, voire blessant, de cette caricature pour la sensibilité des musulmans, le contexte et les circonstances de sa publication dans le journal Charlie Hebdo apparaissent exclusifs de toute volonté délibérée d’offenser directement et gratuitement l’ensemble des musulmans ; que les limites admissibles de la liberté d’expression n’ont donc pas été dépassées. »
Le journal, qui était poursuivi pour « injure envers une religion » par deux associations musulmanes, est donc relaxé. Le jugement est confirmé un an plus tard par la cour d’appel de Paris. Il dit deux siècles d’histoire nationale, de tensions politiques et religieuses qui ont bâti, pierre après pierre, la forteresse de la ­liberté d’expression et son pendant, le droit à l’humour et à la caricature.
La Révolution française l’avait proclamée avant de l’étouffer bien vite. L’Empire puis la Restauration n’ont cessé de lui fixer des limites. Dans les années 1830, Honoré Daumier, Charles Philipon – avec ses dessins de poires représentant le roi Louis-Philippe – sont condamnés à des peines de prison ferme pour leurs caricatures.
Louis-Philippe par Philipon
Louis-Philippe par Philipon
La loi de 1835, préparée par Adolphe Thiers, alors ministre de l’intérieur, accorde à la caricature le statut protecteur de « genre littéraire », mais prévoit que « l’offense au roi, lorsque elle a pour but d’exciter à la haine ou au mépris de sa personne ou de son autorité constitutionnelle, est un attentat à la sûreté de l’Etat ».
Cinquante ans plus tard, la loi sur la liberté de la presse de 1881, votée sous la IIIe République, encadre très strictement l’irrévérence entre les bornes de l’injure, de l’atteinte aux bonnes mœurs, de l’offense au président de la République ou aux chefs d’Etat étrangers et du droit à l’image.
Il faut enjamber le siècle et deux guerres pour qu’une autre révolution, celle de mai 1968, fasse franchir un pas décisif à la ­liberté d’expression et au droit à l’humour. « Ce sont bien Cabu, Wolinski et les autres qui, les premiers, ont porté l’outrance et l’irrévérence dans des dessins jusqu’alors proscrits, car considérés comme trop vulgaires ou licencieux », ­observe l’avocat spécialiste du droit de la presse Basile Ader.
C’est d’ailleurs à Charlie Hebdo que l’on doit un attendu de principe qui a aujourd’hui force de loi, souligne l’avocat : il figure dans un arrêt rendu en 1991 par la cour d’appel de Paris, selon lequel « on doit tolérer l’inconvenance grossière et provocatrice, l’irrévérence sarcastique sur le bon goût desquelles l’appréciation de chacun reste libre, qui ne peuvent être perçues sans tenir compte de leur ­vocation ouvertement satirique et humoristique, qui permet des exagérations, des déformations et des présentations ironiques ».
La caricature, qui vient étymologiquement du verbe italien caricare (« charger »), est une charge, rappelle l’avocat Frédéric Gras dans un article très documenté, « La tradition française de protection de la caricature ». Parce qu’elle est forcément désagréable, voire douloureuse ou insupportable, le juge ne peut faire dépendre son appréciation de la susceptibilité de ­celui qui s’en estime victime, sauf à restreindre considérablement le principe de la liberté d’expression et le droit à l’humour. A rebours de ce que relevait en 1913 le juriste Henri Fougerol – le caricaturiste « s’attachera toujours à conserver le ton de la fine plaisanterie et de l’ironie gauloise » –, la jurisprudence née avec Charlie Hebdo admet que l’humoriste peut ne pas être drôle. La même précaution vaut pour le juge, qui n’a pas à se déterminer en fonction de sa propre susceptibilité. « Le juge n’est pas le juge du bon goût », observe Basile Ader.
C’est surtout à la Cour européenne des droits de l’homme que l’on doit la consécration du principe de la liberté d’expression. Dans un ­arrêt fondateur de 1976, elle souligne que « la liberté d’expression vaut non seulement pour les informations ou idées accueillies avec ferveur ou considérées comme inoffensives, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent l’Etat ou une fraction quelconque de la population. Ainsi le veulent le pluralisme, la tolérance ou l’esprit d’ouverture, sans lesquels il n’y a pas de société démocratique ». C’est à cette aune que la 17e chambre juge chaque jour les plaintes qui lui sont soumises.
Mais si elles n’ont cessé de reculer, les frontières de la liberté d’expression et du droit à l’humour existent bel et bien. « La caricature et la satire étant par ­nature abusives, les limites du droit à l’humour doivent être considérées comme des abus d’abus», relève Me Basile Ader.
Pour les personnalités publiques, qui doivent admettre que la caricature est la contrepartie de la notoriété, les limites à ne pas franchir sont la diffamation, l’injure, l’outrage, le dénigrement ou l’atteinte à la vie privée. Les journaux satiriques disposent, à ce titre, d’une ­ « présomption humoristique », qui les protège ­davantage que les publications dites sérieuses.
L’humour ne saurait non plus servir à masquer ce que le droit appelle des « buts illégitimes », tels que la provocation à la haine raciale, l’injure faite à un groupe en raison de son ­appartenance religieuse, l’atteinte à la dignité humaine ou l’animosité personnelle.
Cette distinction subtile entre buts légitimes et illégitimes est au cœur des malentendus et de la polémique qu’entretiennent les partisans de Dieudonné. Pour les juges, la ligne jaune est franchie quand l’injure, même prononcée par quelqu’un revendiquant le statut d’humoriste, atteint une communauté « dans son ensemble ». Dans une décision rendue en 2007, la cour considère ainsi que les propos de Dieudonné – « Les juifs, c’est une secte, une escroquerie. C’est une des plus graves parce que c’est la première » – ne relèvent pas « de la libre critique du fait religieux, participant d’un débat d’intérêt général, mais constituent une injure visant un groupe de personnes en raison de son origine, dont la répression est une restriction nécessaire à la liberté d’expression dans une société démocratique ».
En 2006, les juges déboutent en revanche de leurs poursuites des associations catholiques qui s’estimaient injuriées par deux documents : une image représentant « sainte ­Capote », une religieuse aux épaules nues à côté d’un préservatif, et une affiche, parodie commerciale de La Cène de Léonard de Vinci. Dans les deux cas, les juges relèvent que ces documents, même s’ils avaient pu être ressentis comme offensants, n’ont pas « pour objectif d’outrager les fidèles de confession catholique, ni de les atteindre dans leur considération en raison de leur obédience » et qu’en conséquence ils ne dépassent pas les limites de la ­liberté d’expression.
C’est le même raisonnement qui conduit, l’année suivante, la 17e chambre à relaxer Charlie Hebdo à propos de la publication de certaines caricatures de Mahomet. Ces caricatures, estime alors le tribunal, ne sont pas une injure raciale, car elles « visent clairement une fraction et non l’ensemble de la communauté musulmane ».
Mardi 6 janvier, les représentants des principaux cultes de l’Alsace et de la Moselle, dont l’islam, participaient à une audition commune à Paris devant l’Observatoire de la laïcité. A l’unanimité, ils ont demandé l’abrogation du délit de blasphème, une survivance du droit allemand resté en vigueur dans ces ­départements même après leur rattachement à la France en 1918. Ce délit, soulignaient-ils, est complètement tombé en désuétude. Le lendemain de cette réunion, les frères Chérif et Saïd Kouachi quittaient le siège de Charlie Hebdo, dont ils venaient de décimer la rédaction, en hurlant dans la rue : « On a tué Charlie, le Prophète est vengé".



Thibault Ponroy

 Voltaire au secours !

" Je ne suis pas d'accord avec ce que vous dites, mais je me battrai pour que vous puissiez continuer à le dire ".
Célèbre commentaire de Voltaire qui trouve sa pertinence dans la Fatwah appliquée actuellement à Éric Zemmour.
Peu importe que l'on soit d'accord ou non avec ce qu'il dit, il doit avoir ses espaces d'expression  et ne pas être étouffé par le bien pensant institutionnel, qu'il soit de droite ou de gauche.
Où sont l'esprit critique et le sens de la polémique ?
Où sont le sens du débat idéologique et de la confrontation ?
Faire taire Zemmour et tous ceux qui portent une parole différente, quelle que soit son origine, est une manifestation de cet esprit de bêtise qu'a institué le libéralisme comme moteur quasi exclusif de pensée, tant à droite qu'à gauche depuis 1983.
L'insolence a disparu des médias et tué l'esprit de liberté et de lucidité.
Cette anesthésie collective rassure et évite d'être confronté à des questions que l'on ne veut pas entendre ou dont la réponse risque d'être douloureuse.
La superficialité dans l'analyse et le rythme sans cesse accéléré de l'information ont accentué cette dissimulation commune.
C'est d'un autisme collectif dont il s'agit.


Thibault Ponroy

 Le numéro 1 de 1

Hommage à une nouvelle aventure entrepreneuriale dans un secteur en profonde et violente mutation; la naissance d'un nouveau journal au rythme hebdomadaire.
Initiative insensée dans un univers sinistré, d'Eric Fottorino et Laurent Greilsamer.
Preuve aussi que rien n'est jamais définitivement écrit.
D'autres ont déjà écrites des pages couronnées de succès dans ce monde à l'instar de XXI,Alib, Influencia,Muze………..expression d'un nouveau journalisme face au monde digital.
Dans d'autres métiers aussi, certains ont su réagir avec intelligence et innovation; y compris dans le domaine de la distribution du produit culturel;
Virgin est mort d'avoir simplement oublié qu'il vendait de la musique et non des disques.
La FNAC traverse une période difficile, dont nul ne peut prédire s'ils s'en sortiront, parce qu'ils ont négligé l'humain qui était l'essentiel de leur ADN.
Eric Fottorino et Laurent Greilsamer n'ont pas oublié qu'ils étaient journalistes et que leur métier n'était pas que de vendre des informations mais de leur donner sens et compréhension.
C'est un enjeu de plus en plus fondamental dans un univers ou l'information et sur-abondante et sur-accessible.
Un rythme hebdomadaire propice à la réflexion et lié aux contraintes du lectorat; une thématique principale traitée avec intelligence et recul; un format séduisant , des signatures inspirantes et un très joli style.
Bon vent.



Thibault Ponroy

 YQUEM 2012

Il n'y aura pas de millésime 2012 de château Yquem en raison d'une "excellence insuffisante" selon les commentaires de Pierre Lurton, Gérant du domaine.
Tout comme en  1910, 1915, 1930, 1951, 1952, 1964, 1972, 1974 et 1992..
Un regret, non, plutôt une réassurance d'exigence et, au-delà, une réaffirmation des valeurs temps et qualité.
Un sens supplémentaire donné à la valeur des choses et qui n'est pas nécessairement antinomique sur le plan économique; voire même rentable au nom de la rareté qu'exige le luxe.
L'absence est signifiante, forte; elle devrait être  source d'inspiration.
On se prend à rêver d'une même exigence en littérature, cinéma, théâtre, restauration, mode, politique…la liste n'est pas exhaustive; de voir se créer une capacité à dire "je n'en parle pas parce qu'il n'y a rien à en dire".
Cela nous éviterait tant de vacuité et redonnerait du sens à un peu plus d'essentiel.
On peut toujours rêver.


Thibault Ponroy

 "Lady Gardot"

Dernier concert de la tournée parisienne de Melody Gardot hier soir à l'Olympia.
Melody Gardot est une des chanteuse, auteur, compositeur, pianiste…de la nouvelle génération féminine jazz vocal, principalement nord américaine à l'instar des Diana Krall, Stacey Kent, Patricia Barber…
C'est sans aucun doute l'une des plus douées de sa génération et c'est notamment une véritable diva de la scène.
La sur dimension parfaite de l'émotion live.
Multi-influencée par le jazz vocal, la bossa nova, le fado…elle crée une émotion scénique et un partage absolument incroyable avec un public dont on sent amour et  respect partagés.
Entourée de musiciens brillants et inspirés, Lady Gardot a envouté son audience déjà consentante ,venue pour une cérémonie d'envoutement.
Mélange de rythmes, charmes, happening, discussions improvisées et intervention sur scène d'un spectateur venu réorganiser la scénographie au prétexte qu'elle lui cachait le visage de Mélody.
Trois standing ovations ont précédé un final magique d "over the rainbow" accompagné par son guitariste jouant sur un violoncelle utilisé en guitare.
Simplement sublime.
Elle revient pour un concert en avril à l'Olympia: à ne rater sous aucun prétexte.

Thibault Ponroy

 "Immortel, enfin" par Pauline Dreyfus aux éditions Grasset

Pauline Dreyfus vient de publier "Immortel, enfin" aux éditions Grasset, un roman racontant l'élection de Paul Morand  à L'Académie Française en octobre 1968, après quatre campagnes infructueuses.
À priori heureuse initiative quant au choix de l'impétrant et de la période de sa vie.
Son livre commence délicieusement et, si on ne peut parler de style, on y trouverait du piquant et de l'ironie quasi morandienne.
Et puis le malaise vient, le sentiment diffus d'avoir déjà lu certaines de ses lignes, de les trouver justement trop morandienne.
L'évidence et l'agacement s'imposent, c'est du quasi Morand, voire du Morand, dans le texte, trop d'emprunts littéraux au "Journal Inutile" (1968-1972 en 2 volumes aux éditions Gallimard), les guillemets manquent et  Paul Morand est le grand absent dans la liste des remerciements.
Enfin,paraphrasant l'auteur et reprenant les termes qu'elle prête à Alexandre Vialatte s'adressant à Paul Morand lors des obsèques de Jean Paulhan "(…) la seule critique excusable serait de vous (ie: Paul Morand) citer mot à mot".
Passez votre chemin lecteur, préférez l'original à un exercice de style, certes séduisant , mais qui doit tout à son héros sans jamais le remercier.
Dommage.


Thibault Ponroy

 Cima Da Conegliano au Musée du Luxembourg

Dépêchez vous d'aller  voir l'exposition Cima au Musée du Luxembourg , elle s'achève le 15 juillet prochain.
Ma connaissance de Cima, peintre vénitien mi 15ème-début 16ème- était pour le moins superficielle car il fut longtemps éclipsé par ses contemporains plus célèbres tels que Giorgione, Messina, Bellini, Carpaccio...
Cima, d'abord peintre du religieux de la renaissance italienne, entremêle la pureté des paysages et beaucoup de féminité dans le traitement de ses vierges.
Une émotion  purement enfantine dans la représentation de l'enfant Christ et toute maternelle dans la délicatesse du toucher entre une mère et son fils.
Malheureusement ou (égoïstement) heureusement! l'exposition n'est guère fréquentée et permet une proximité et une intimité entre le visiteur et chacun des tableaux.
Entrez physiquement dedans à la manière de Rothko qui disait que ses toiles devaient être vues avec une intense proximité physique de 20 cm.
Pénétrez dans les paysages peints par Cima, ressentez cette proximité entre une mère et son fils, cette quasi absence du religieux où la sphère intimiste du privé n'est qu'effleurée par le divin.
Si vous n'avez pas le temps de voir l'exposition, achetez le catalogue car la littérature sur Cima est quasi inexistante.

Thibault Ponroy

 Jean Echenoz ou l'art du portrait: Ravel aux Éditions de Minuit

Jean Echenoz nous avait déjà séduit d'un aspirant portrait  de Jérôme Lindon et d'un autre, d'une veine différente mais attachante, de Emil Zàtopeck.
Je viens de finir de lire celui qu'il a consacré,en 2008, à Maurice Ravel.
Le premier sentiment de lecture ressemble un peu à un vide simplement  narratif; il manque l'emotion du Jérôme Lindon et la tendresse du Zàpotek.
Puis apparaît la brutalité du vingtième siècle.
D'abord celle de sa première guerre.
Le rappel que Ravel fut d'abord  un enfant de son siècle, comme le furent Fernand Léger et Paul Morand, tous trois enfants d'une époque mécanique,industrielle, celle de la vitesse.
Le Boléro , son œuvre la plus populaire, c'est l'évocation du travail à la chaine, la violence industrielle.
Ce "dédale 39" qu'il qualifiera d'avion en ut auprès de Manuel De Falla.
Lorsqu on demandera à Ravel quelle est sa création préférée  il répondra "Le Boléro bien sûr, mais il est vide de musique" ce qui ne l'empêchera pas de répondre à Wittgenstein commanditaire et premier interprète de son concerto pour la main gauche et qui s'etait cru autorisé à prendre quelques libertés avec la partition originale , de rajouter des bruits inutiles à l'élégance spontanée de Ravel , " les interprètes sont des esclaves".
Puis vinrent les années en route vers l'illisibile jusqu'à la perte du toucher et l'enfermement intérieur.
La conscience de l'inconscience que tout reste cependant à écrire "Je n'ai rien écrit, je n'ai rien dit de ce que je voulais dire".
Jusqu'à sa mort, tout créateur ne vaut que par son œuvre à venir.


Thibault Ponroy

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