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 covid 19: opportunité pour l’Europe ?

 

Rassurez-vous, je ne suis pas de ceux qui pensent que l’apparition du covid 19 serait une conséquence de la mondialisation et que « Dame Nature » règlerait ses comptes avec le monde capitaliste, libéral, inégalitaire et si peu respectueux de l’environnement. Pour preuve, les multiples épidémies (la peste noire de 1348 ou la grippe espagnole de 1918 entres autres) qui, au cours des siècles, ont ravagé l’humanité. Des millions de virus nous entourent et continueront au fil du temps de se rappeler à notre bon souvenir.
 
Cependant, le covid 19, en dépit de sa puissance destructrice, arrive peut être à un moment opportun… Les millions de morts annoncés et la désorganisation quasi-totale de l’économie mondiale, plongée elle aussi en quarantaine,  nous amènent à nous interroger sur notre rapport au monde mais aussi à l’autre. Cette épidémie nous rappelle nos limites et met en lumière de façon flagrante la faiblesse et les inégalités de notre système économique et financier globalisé. Le propre du virus, c’est qu’il ne reconnaît aucune frontière, ni raciale, ni sociale, ni politique, et qu’il nous condamne à abandonner la prévalence individuelle au profit de la solidarité et de l’intérêt  collectif.
 
Mise en garde salutaire ou coup de semonce inespéré pour mieux nous préparer aux prochaines crises sanitaires, climatiques ou migratoires.
 
Faute de vaccin, l’épidémie va contraindre les pays les plus riches à injecter des milliers de milliards de dollars ou d’euros pour sauver les systèmes de productions et d’échanges de leurs économies mais aussi celles des pays les plus pauvres,  afin que la catastrophe sanitaire annoncée, ne se transforme pas en catastrophe humanitaire planétaire avérée.
 
Alors quitte à reconstruire grâce à des moyens considérables inédits, conduisons le changement autrement en respectant notre environnement et revenons aux biens fondamentaux communs à tous les hommes : l’alimentation, la santé, l’éducation, les ressources pour vivre décemment.
 
L’élan de solidarité qui s’exprime un peu partout en Europe nous montre que l’individualisme triomphant ne résiste pas à la menace collective. Capitalisons alors sur ce qu’il y a de mieux chez l’homme pour faire enfin bouger les lignes et écrire un nouveau chapitre de l’humanité.
 
Nous européens, ayons l’audace de repenser le monde en oubliant les référents d’hier et les vieilles recettes devenues obsolètes. Soyons courageux, quitte à être seuls contre tous dans un premier temps et sortons des schémas classiques qui sont à bout de souffle, comme  l’est notre planète. Libérons nous des carcans géopolitiques actuels et des pseudos équilibres de la terreur. Redéfinissons des règles, au service des hommes, plutôt que de les contraindre dans des schémas délétères, stériles et sans espoir.
 
A l’instar des Etats-Unis en 1932, L’Europe, inspiratrice, pourrait saisir sa chance et imposer, pour le bien du plus grand nombre, un New Deal Européen. L’Europe que l’on croyait moribonde il y a encore quelques semaines commence à sortir de sa torpeur, et les premières réponses monétaires et budgétaires considérables des 28 (un premier fonds de soutien de 500 milliards d’euros, un plan d’investissement de la BEI de 250 milliards) sont très encourageantes, même si les dissensions entre certains pays du Nord et du Sud, subsistent. Outre le fait que l’Europe soit la première puissance mondiale, la « civilisation européenne » malgré sa diversité aspire et partage des valeurs communes : une majorité de régimes démocratiques, l’existence de la redistribution des richesses et une politique sociale généralisée (encore imparfaite), une volonté de lutter contre le réchauffement climatique, une coopération universitaire et de la recherche, un attachement  sans conteste à son patrimoine et à sa culture.
 
En résumé, une vision du monde susceptible de rayonner….bien au-delà de L’Europe.
 
Alors pourquoi ne pas accélérer l’intégration européenne, laissant les Etats-Unis et la Chine, colosses aux pieds d’argile se quereller?  Pourquoi ne pas profiter de cette crise historique pour en faire une opportunité elle aussi historique, en ébauchant les contours du « Monde d’après »?
 
Le New Deal européen devra créer un nouveau leadership en s’appuyant, dans un premier temps, sur le couple franco-allemand. Il rassemblera bien au-delà,  réconciliant les pays du Nord et du Sud et ramenant dans le giron démocratique nos «frères égarés » de l’Est de l’Europe. Conjugant protection et ouverture, la majorité des investissements sera pratiquée à l’échelle européenne, élargissant la « stratégie Airbus » sur les chantiers prioritaires validés par tous les membres et au service des peuples :
 
- la sortie accélérée de l’ère des énergies fossiles avec le développement massif des énergies renouvelables
- la protection de l’environnement et de la biodiversité sur l’ensemble du continent européen
- les nouvelles mobilités (ferroutage, voitures électriques..)
- la relocalisation de certaines industries vitales et stratégiques (pharmaceutiques et alimentaires)
- plan d’harmonisation agricole  privilégiant les circuits courts tout en redéfinissant un nouvel équilibre métropoles- campagne
- accélération de la digitalisation des services au profit du plus grand nombre (services administratifs, télémédecine, télétravail, enseignement à distance….)
- gommer les distortions sociales et fiscales entre les pays membres et assurer des minima sociaux européens (revenu universel européen)
- développer un système sanitaire européen et une politique de prévention des pandémies ou des catastrophes sans oublier l’accompagnement de nos anciens
- permettre l’accès à l’éducation et à la culture au plus grand nombre (coopération universitaire et culturelle)
- coopération européenne et mutualisation des centres de recherches fondamentales et appliqués
 
J’entends déjà les septiques ricaner et les afficionados de la rigueur budgétaire lever les yeux au ciel.. Cette politique néo-keynésienne mutualisée  de soutien de l’offre et de la demande sera créatrice d’emplois (notamment ceux qui accompagneront la transition écologique mais aussi le développement massif des services aux personnes) et donc génératrice de nouvelles richesses. Elle nécessitera des arbitrages budgétaires notamment sur les postes militaires et sur les dépenses non essentielles ainsi qu’une redéfinition complète des chaines de valeur…
 
Elle aura surtout la vertu, en cette sortie de crise, d’échapper à la spirale du chômage, de la pauvreté et en bout de course aux extrêmes et donc à la violence.
 
Forte de sa reconstruction en cours, l’Europe devenue protectrice de ses peuples ne saurait oublier l’Afrique confrontée elle aussi à cet engrenage destructeur : crise sanitaire, crise économique et sécuritaire. Il est impératif qu’elle participe activement à la stabilisation du continent et au soutien de sa population, faute de voir tous ses efforts de ruinés par la prochaine crise majeure qui sera , si ce n’est climatique, sûrement migratoire.
 

David Nitlich