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 Evolution ou révolution ?

la décision du Conseil Constitutionnel en date du 28 mai 2010

 

A bien des égards la décision rendue par le Conseil Constitutionnel le 28 mai dernier porte en elle des germes d'une mutation profonde de nos institutions dont on n'a pas encor mesuré les conséquences.

Elle est la première mise en oeuvre de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC), instaurée dans le cadre de la révision constitutionnelle de juillet 2008, qui confère désormais à chaque citoyen le droit de saisir les tribunaux administratifs ou judiciaires  pour contester une loi dont les dispositions ne lui paraîtraient pas conformes aux principes posées par la constitution.

C'est un pas décisif, à l'instar d'autres pays notamment européen, vers une démocratie plus participative et une implication de chacun dans la vie et le débat public.

La première décision rendue est particulièrement symbolique car elle répare partiellement une injustice historique; celle de l'inégalité de traitement des anciens combattants français et ceux issus de nos anciennes colonies.

Au delà de l'émotion, la mise en oeuvre de la QPC pose deux questions essentielles:

- va t'on vers un gouvernement des juges ?

- les règles de composition du Conseil Constitutionnel sont elles en adéquation avec cette modification profonde de nos institutions ?

La première chose qui frappe est que cette décision a abrogé des dispositions inscrites dans trois lois de 1981, 2002 et 2006. Certes ce n'est pas la première fois que le Conseil Constitutionnel sanctionne des lois votées par le Parlement mais jusqu'à présent il ne pouvait être saisi que par des parlementaires, eux mêmes légitimés par le suffrage universel.

Désormais la saisine indirecte du Conseil Constitutionnel à travers des juridictions administratives ou judiciaires (encore des juges) par des citoyens, pose le principe d'une limitation de la souveraineté du Parlement.

On ne mesurera les conséquences pleines et entières de ces nouvelles dispositions que lorsque le Conseil Constitutionnel sera saisie sur des textes portant sur des questions de société.

De même comment s'effectuera l'équilibre entre nos trois grandes juridictions  suprêmes que sont le Conseil Constitutionnel, le Conseil d'Etat et la Cour de Cassation ?

Par ailleurs, on peut légitimement s'interroger sur la pertinence des règles actuelles de la composition du Conseil.

Amené à juger de la constitutionnalité de certaines lois, parfois anciennes, on vient de le voir dans la décision du 28 mai,  au moins cinq des membres actuels ont participé, de près ou de loin, au pouvoir exécutif  ces quatre dernières décennies.

La nomination des membres du Conseil ne sera concrètement pas soumise à l'approbation du Parlement  avant les prochaines nominations à intervenir en 2013.

S'agissant des questions de société, quel va être le comportement d'un Conseil dont la moyenne d'âge est élevée et qui ne comporte qu'une femme en son sein ?

La jurisprudence quant à l'exercice de leur mandat de Conseiller par les anciens Présidents de la République sera t'elle fixée ?

Autant de questions qui auraient mérité une réponse rapide car il est évident que le Conseil Constitutionnel sera particulièrement  sollicité dans le cadre de la procédure QPC.



 

                                                              Thibault Ponroy