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 « Celui qui dit oui, celui qui dit non » de Berthold Brecht

 

« Celui qui dit oui, celui qui dit non » de Berthold Brecht sont les deux versions d'une histoire qui se succèdent et déterminent notre propre histoire sur la portée de nos choix.
Inspiré d'un conte japonais, celui qui dit oui, pour sauver sa mère, doit aller au-delà des montagnes chercher le médicament miracle. Une arrête étroite à mi-parcours doit être franchie. Comme ce jeune garçon ne peut franchir l'arrête, la grande coutume veut que soit précipité dans le vide celui qui ne peut le faire. Celui qui dit oui, accepte cette grande coutume, et sa mère sera sauvée. Celui qui dit non, va être confronté à la même situation de ne pouvoir franchir l'arrête, mais va s'opposer à la tradition. Il propose de renouveler cette grande coutume, en argumentant que pour toute nouvelle situation, il faut une nouvelle réflexion.

Quelle partie de nous-mêmes a dit oui et qu'elle partie de nous-mêmes n'a pas encore dit non. Nous avons accepté le paradis promis : celui de consommer. La grande coutume d'hier était de travailler durement de notre vivant,  de profiter du paradis seulement à notre mort. Nous avons accéléré cette grande coutume,  en consommant à outrance de notre vivant, à goûter le paradis avant l’heure. Nous avons dit oui aux grandes messes des médias, oui à la consommation, oui à une forme de pensée unique. Les penseurs, les intellectuels, diront qu'ils se sont opposés à l'accélération de cette grande coutume. En fait c'était une fausse révolte, car tout était accepté et rien d'autre n'était proposé. Le Non s'inscrivait dans une fausse révolte, axée uniquement sur le fait de consommer ou de ne pas consommer.

Mais qui, au cours du XXe siècle, a su dire réellement non. C'est-à-dire proposer autre chose. Je suis moi-même victime de cette pensée. Je suis un faux révolté, je crois dire non, alors que je ne fais que me battre contre cette pensée unique.

Finalement, ne sommes-nous pas tous en train de nous réveiller d'un conte hypnotique, encore déstabilisé d'avoir cru si longtemps que tout cela pouvait exister.

C'est une toute nouvelle situation aujourd’hui, mais nous ne nous sommes pas habitués à aucune vraie réflexion, nous étions endormis, et le réveil est brutal.

La preuve : on ne sait faire que critiquer, générer des angoisses. La précarité plane au-dessus de nos têtes, alors qu'on avait cru que jamais plus cela aurait pu exister en Occident. Ceux à qui cela pouvait arriver étaient forcément du clan des faibles. Ils n'avaient pas tout fait pour pouvoir profiter du rêve partagé de la grande consommation à outrance.

Eh bien oui, la précarité est là, pour tout le monde,  il faut dire non. Dire non autrement, avec une vraie réflexion,  faire autrement que nous rabâcher un constat que tout le monde sait.

Je sais, je fais comme tout le monde,  c'est de ma faute : je n'ai pas exercé assez tôt une vraie réflexion qui me permette moi-même de sortir de ces sentiers battus. La précarité est là, comment composer avec des valeurs morales, et non plus avec des arguments arithmétiques auxquels ils nous arrangeaient de croire puisqu'ils nous procuraient l'opulence...

Maintenant il faut faire avec. Mais la terreur de ces images qui sont gravées dans notre rétine de ces mendiants du bout du monde qu'on croyait avoir éradiqué. Peut-être allons-nous devenir ce mendiant ; cela génère une terreur sourde.

Je veux être chose qu'un prédicateur négatif, qui profiterait de cette actualité pour sonner le glas de l'enfer. Même si cette crise n'était qu'un pic momentané, peut-on proposer une réflexion alternative. Peut-on tous se sortir de cette hypnose  universelle et proposer autre chose ? Malheureusement, le système a trop bien marché sur moi, et je n'ai pas l'ombre d'une proposition.
L'oeuvre suivante de Brecht était l'opéra de quat'sous. Sortons de nos réflexions de quat'sous. Si nous prenons le temps, nous avons l'intelligence et les ressources nécessaires pour proposer autre chose.



Jacques Mestre