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 "Je suis ne troué" Pierre Michaux

 

"Un écrivain né dans un grand pays court le risque de présupposer que sa culture de son pays lui suffit.Paradoxalement, c'est lui qui tend à être provincial"
J'ai trouvé cette citation d'Henri Michaux dans le dernier livre de Simon Leys "Le studio de l'inutilité" paru chez Flammarion.
Leys complète par une déclaration de Cioran sur le besoin maladif des artistes nés dans un "espace culturel mineur" en prenant l'exemple de Borges "acculé à l'universalité, contraint d'exercer son esprit dans toutes les directions, ne serait ce que pour échapper à l'asphyxie Argentine" et Cioran de conclure "les européens de l'Ouest, paralysés par leurs traditions (sont) incapables de sortir de leur prestigieuse sclérose".
Formidable métaphore littéraire de l'état de l'Europe contemporaine paralysée par ses certitudes et incapable de sortir de sa prestigieuse sclérose.
L'actuelle campagne présidentielle française en est une précieuse illustration.
Déni de réalité des principaux candidats, je parle au moins des 5 premiers d'entre eux,absence de vision et d'écriture d'un futur pour le moins incertain; la France est devenue la province du monde, non par manque de talents, de richesses tant économiques qu' intellectuelles, mais par absence de curiosité,d'universalité, par perte du sens de l'inadaptation, ce sentiment du précaire et du manque qui pousse à l'interrogation constante.
Inutile de se référer aux révolutionnaires de 1789 ou aux acteurs issus du Conseil National de la Résistance; ce sont autant de références inopérantes et, n'en déplaise à Stéphane Hessel ou Raymond Aubrac, ni les uns, ni les autres, ne se sont proclamés les héritiers de quelqu'un ou de quelque chose; ils ont ,en leur temps et de leur précarité, exprimé une réponse, un idéal de responsabilité , une éthique de conviction à un sentiment d'inadaptation et de manque.
En écrivant, "je suis ne troué",Pierre Michaux exprimait un manque de sa belgitude, notamment un manque d'une langue.
Toujours s'agissant de littérature, Simon Leys écrit dans ce meme livre "les artistes qui se contentent de développer leurs dons n'arrivent finalement à pas grand chose.Ceux qui laissent vraiment une trace sont ceux qui ont la force et le courage d'explorer et d'exploiter leurs carences".
Et pourtant de carences à exploiter, nous n' en manquons guère !


Thibault Ponroy